Le visage français de la PLSQ masculine

Par Marc Tougas | @TougasMarc

 

La France est championne de monde. Ce qui veut dire qu’à la base, les joueurs français sont bien formés par les éducateurs français, oui ?

De toute évidence, oui.

Et puisque cinq des huit équipes de la division masculine de la Première ligue de soccer du Québec (PLSQ) sont dirigés par un entraîneur qui a été formé, en tout ou en partie, comme joueur et/ou éducateur en France, on peut donc conclure que les joueurs d’ici sont entre bonnes mains, n’est-ce pas ?

Euh… oui et non.

Évidemment, la réalité est beaucoup plus complexe que ça. Par ailleurs, pas tous les clubs de la PLSQ dirigés par un « Français de formation » ont nécessairement connu du succès jusqu’ici.

Et comme le dit Emmanuel Macagno, le plus Québécois des cinq entraîneurs français de la PLSQ puisqu’il est installé ici depuis 1999 : dans la mesure où les clubs d’ici cherchent des entraîneurs francophones, des candidats belges ou suisses pourraient faire du tout aussi bon travail.

« La formation des coachs, en France, a longtemps servi de référence », a noté l’entraîneur-chef de l’AS Blainville après la victoire de 2-0 des siens contre le CS Longueuil, samedi. « On s’est quand même fait rattraper par la Belgique et la Suisse. À mon sens, il pourrait y avoir des Belges, des Suisses (dans la PLSQ). Il y a un Suisse qui vient régulièrement faire de la formation pour les entraîneurs du Québec et il est excellent. »

La filière française n’est pas une panacée mais elle représente quand même « une plus-value » pour la PLSQ, comme le mentionne Stéphane Lamothe, président du CS Longueuil, club qui vient de prolonger de trois ans le contrat du Breton Anthony Rimasson après l’avoir embauché initialement en vue de la saison 2016.

« On n’a pas sciemment choisi un Français, a indiqué Lamothe. Mais du moment qu’on n’a pas trouvé ce qu’on cherchait à l’interne, on a ouvert le recrutement (aux candidats de) l’extérieur du Québec et la personne la plus compétente à ce moment-là était Anthony Rimasson, et de loin. »

Comme le décrit Lamothe, il y a « des vases communicants » qui font que les éducateurs français se retrouvent tout naturellement au Québec. Tout comme plein d’éducateurs français aboutissent dans différents pays de la francophonie dans le monde, comme ceux d’Afrique, comme l’a déjà fait le père de Macagno par exemple.

« Chez nous, il y a une rareté d’entraîneurs (d’ici) et là-bas, il y a un surplus, a noté Lamothe. D’après ce que je vois, il n’y pas beaucoup de Québécois qui sont prêts à se risquer à en faire un métier. En France, il y a beaucoup d’entraîneurs compétents, qui n’ont pas de travail mais qui sont disponibles pour le faire, et qui sont prêts à venir chez nous. »

Ce qui fait qu’en vertu de leur formation et de leur vécu dans un pays où le foot est synonyme de qualité, et où la Fédération française a longtemps fait école en matière de formation d’entraîneurs, la PLSQ y gagne au change, du moins à court et moyen terme, en ouvrant la porte à des éducateurs de formation française – outre Macagno et Rimasson, en ce moment, il y a François Bourgeais au CS Saint-Hubert, Edmond Foyé au Dynamo de Québec et Sylver Castagnet au FC Gatineau.

« Ce qui manque au Canada, c’est la formation des entraîneurs, a déclaré Rimasson, qui est notamment passé par le Stade Rennais et le Stade brestois. Les joueurs ici ont un potentiel, ils sont tous armés pareil, et je dirais même qu’ils sont plus athlétiques qu’en France. Alors pourquoi en France, on y arrive ? Parce qu’il y a une formation des entraîneurs qui est de qualité. »

Frederico Moojen, le champion buteur de la PLSQ de 2012 à 2016, en est à sa troisième équipe dans la ligue cette année alors qu’il a rejoint le CS Longueuil. Il se dit fort impressionné par Rimasson.

« Il comprend le jeu, il fait tout de façon très professionnelle, a noté Moojen. Les séances d’entraînement sont très bonnes, le système qu’il tente de mettre en place est très bon. »

Tellement bon, en fait, que certains joueurs ont parfois de la difficulté à suivre, a affirmé Moojen, qui s’est développé au Brésil avant de venir faire carrière en Amérique du Nord à l’âge adulte, notamment avec l’Impact de Montréal.

« Parfois, c’est difficile pour les joueurs d’ici, qui n’ont jamais joué à un très haut niveau, de comprendre ce qu’Anthony tente de mettre en place tactiquement, dit-il. Ces gars-là ont parfois 26, 27 ans et dans leur cas, il est trop tard. »

D’où l’importance de la présence d’un Rimasson, non pas tant comme comme entraîneur-chef de l’équipe de la PLSQ, mais aussi – et surtout – comme directeur technique pour l’ensemble du club. Parce que c’est chez les plus jeunes qu’il pourra développer les instincts tactiques recherchés.

« Anthony a une vision à long terme. Dans quelques années, nous allons avoir des joueurs qui vont mieux comprendre le jeu », a souligné Moojen.

« Mon rôle de directeur technique, c’est là-dessus que je me concentre à 95 pour cent, a indiqué Rimasson. L’idée, c’est de fournir au Québec des joueurs de très haut niveau et ça, ça commence par la base, pas par la PLSQ. La PLSQ, c’est la vitrine (pour attirer de jeunes joueurs prometteurs au club et les inciter à aspirer au plus haut niveau). »

Les entraîneurs qui s’amènent de France réalisent aussi qu’ils doivent s’adapter au contexte d’ici. Rimasson l’a constaté, notamment, en ce qui a trait à « la capacité des jeunes joueurs québécois à supporter la concurrence ».

« Dès qu’il y a une concurrence qui s’installe, ils préfèrent passer à autre chose, abandonner, plutôt que de s’accrocher, de venir aux entraînements et de rester, a souligné Rimasson. Il a fallu que je m’ajuste. Par exemple, donner beaucoup d’entraînements à des seniors, ça devenait compliqué. Donc, on en donne un peu moins, mais on essaie de donner du plaisir et un peu de qualité. Parce que le garçon qui a travaillé toute la semaine, quand il vient ici, c’est pas pour faire des tours de terrain, c’est pour prendre du plaisir avec le ballon. Donc, je me suis ajusté là-dessus. »

Ce samedi lors de la 12e journée du championnat 2018 de la PLSQ masculine, deux des entraîneurs français de la ligue s’affronteront à la Polyvalente L’Ancienne-Lorette à 16h, alors que le Dynamo recevra le FC Gatineau. Également samedi, le CS Saint-Hubert de Bourgeais rendra visite au CS Fabrose au Parc Cartier à Laval à 15h, tandis que le CS Longueuil de Rimasson se retrouvera au stade André-Courcelles du FC Lanaudière à L’Assomption à partir de 15h.

Le quatrième match du week-end, et non le moindre, aura lieu samedi à 18h au Parc Blainville, alors que l’ASB de Macagno recevra les Griffons de Mont-Royal Outremont de l’entraîneur Luc Brutus dans le cadre d’un match où ces derniers pourraient déloger les premiers du premier rang au classement en l’emportant.

 

Les opinions des chroniqueurs ne reflètent pas nécessairement celles de la PLSQ et de la FSQ.