« Pourquoi pas nous? »

 

Par Éric Chenoix | @EricVking

 

Dans la récente histoire du soccer au Québec, certains moments ont été gravés à jamais dans les mémoires. Les trois championnats de l’Impact et ses deux épopées en Ligue des champions viennent évidemment en tête de liste. Mais s’il fallait que l’AS Blainville parvienne à éliminer le Fury d’Ottawa au terme des 90 minutes du match retour du second tour du championnat canadien, on pourrait certainement ajouter ces quelques lignes au grand livre des exploits du soccer québécois. Et à la vue du match aller, la qualification, sans être facile, n’est certes pas inatteignable. Retour sur le duel entre Blainville et Ottawa avec Mathieu Rufié, entraîneur de l’année 2014 en Première ligue de soccer du Québec (PLSQ) avec le CS Longueuil.

 

Eric Chenoix : Quelle est selon toi la principale différence entre le niveau de jeu d’Ottawa et celui de Blainville?

Mathieu Rufié : Sur le match, je ne trouve absolument pas que Blainville ait été surclassé par le Fury d’Ottawa. Ils ont fait bien mieux que rivaliser. Cependant, dans l’ensemble, on peut quand même noter une différence entre des joueurs qui s’entraînent tous les jours et qui sont professionnels à temps plein et des garçons qui s’entraînent le soir après le travail ou une journée d’étude bien remplie. C’est plus sur le plan athlétique que j’ai pu noter un déséquilibre lors de cette rencontre, même si l’ASB a su hausser son niveau de jeu.

 

EC : Blainville a connu une entame de match assez difficile. Que s’est-il passé à ton avis?

MR : Peut-être qu’ils ont été un peu submergés par la pression et l’intensité proposée par Ottawa dès les premiers instants du match. On sait que lors de ces matchs, on n’a pas le droit de se relâcher un instant et les premières minutes sont souvent primordiales. Personnellement, je ne vois pas autre chose, car par la suite, ils ont réussi à faire plutôt jeu égal avec la formation qui évolue en USL.

 

EC : Par la suite, l’ASB est parvenue à stabiliser son jeu et a commencé à créer le danger, surtout en seconde mi-temps. Quels sont les ajustements qui ont été faits par l’ASB et qui lui ont permis de prendre l’ascendant?

MR : Je n’irais pas jusqu’à parler d’ascendant, mais plutôt d’équilibre dans la rencontre, ce qui est déjà très valorisant. Blainville a réussi à mettre en place une certaine sérénité dans son jeu en acceptant de ne pas avoir souvent le ballon, mais en l’utilisant bien lors des instants où l’équipe avait la possession. C’est un plan de jeu que Blainville maîtrise déjà bien lors de certaines rencontres en PLSQ, où ils sont depuis quelques années redoutables lors des phases de transition avec des éléments capables de se projeter rapidement vers l’avant et avec qualité. Au-delà des phases de jeu, ils sont très bien en place lors des phases arrêtées avec des combinaisons bien huilées et des joueurs qui ont une grosse qualité pour distribuer les corners ou les coups francs, soit Belguendouz et Moulinas.

 

EC : Y a-t-il une faiblesse dans le jeu d’Ottawa qui pourrait selon toi être exploitée par Blainville au match retour?

MR : Ce sera difficile, car sans impressionner, il me semble qu’Ottawa dégage quand même une supériorité dans le domaine physique et de surcroît, ils joueront à la maison et auront sans doute à cœur d’affirmer leur supériorité. Maintenant, on a vu que Blainville avait eu les occasions et aurait même mérité de marquer au moins un petit but lors de cette rencontre. J’ai trouvé que les joueurs du Fury étaient assez statiques sur les phases arrêtées et faisaient parfois preuve de suffisance, ce qui pourrait permettre de créer la surprise.

 

EC : À quoi doit-on s’attendre d’Ottawa pour le match retour?

Comme mentionné, je suis convaincu qu’ils auront à cœur de démontrer pourquoi ils évoluent en USL et sont professionnels. Devant leur public, il me paraît inconcevable qu’ils prennent le match pour acquis, alors l’entame de la rencontre sera très importante pour les faire douter.

 

EC : Si tu étais l’entraîneur d’Ottawa, que dirais-tu à tes joueurs avant de monter sur le terrain?

Je leur « rentrerais dedans », car je ne vois pas comment le coach d’Ottawa peut être satisfait de la prestation fournie mercredi dernier par son équipe. Ça peut paraître dur, mais à part une certaine maturité dégagée par le fait qu’ils s’entraînent tous les jours, ils ne m’ont pas impressionné outre mesure. J’aurais été déçu, voire vexé de rendre une copie si pâle pour une équipe professionnelle. Sans un grand Maxime Crépeau, ils attaqueraient le match retour beaucoup moins sereins que cela.

 

EC : Si tu étais l’entraîneur de Blainville, que dirais-tu à tes joueurs avant de monter sur le terrain?

Tout d’abord, je pense qu’Emmanuel Macagno saura piquer ses joueurs pour leur donner envie de renverser des montagnes, mais personnellement je leur dirais : « Pourquoi pas nous? » Personne ou presque ne pensait voir Blainville rivaliser, sauf eux-mêmes, je pense. Ils les ont mis en danger, alors pourquoi ce serait impossible? On fait de la compétition pour cela… créer des exploits et vivre des émotions hors norme. Et puis soyez fiers de représenter avec honneur la PLSQ, parce que vous l’avez déjà bien fait.

 

Le Fury d’Ottawa recevra l’AS Blainville au stade TD Place, à Ottawa, ce soir à 19 h 30.

 

Les opinions des chroniqueurs ne reflètent pas nécessairement celles de la PLSQ et de la FSQ.